8.4.12

Je découvre... #1



Je Découvre... #1 : Le Rap.


Lancez le débat autour de vous, au travail, à la fac, au lycée, dans un lieu public, n'importe où, demandez donc « qui aime le rap français » ? C'est bien connu, c'est un genre qui n'a pas ses lettres de noblesse dans la musique, mais la question c'est : pourquoi ? C'est bien simple, premièrement, c'est un genre qui n'est pas du tout représenté dans les médias. Une radio nationale hip-hop qui s'appelle « Skyrock » et qui diffuse Mister You, il n'y a pas à chercher plus loin pour comprendre pourquoi tout le monde s'accorde à dire : « Je n'aime pas le rap ».

Mais le rap n'a pas toujours été tout blanc non plus, c'est un genre qui vient des banlieues à l'origine, là où tout n'est pas toujours rose. Et même quand certains rappeurs ont réussi, l'argent leur a monté à la tête, ce qui provoque aussi un effet négatif sur la population, veuillez comprendre Booba et sa tendance maladive à l'egotrip et au bling bling. Mais le constat est là, on crache toujours sur le rap français en prétextant que ce n'est pas de la musique, en faisant un bref retour sur ces vingt dernières années je vais tenter de vous convaincre que c'est un genre à part entière qui mérite d'avoir une meilleure place dans le paysage audio-visuel actuel.

Les Années 1990 – Les débuts, de la funk au classique.

Alors qu'aux Etats-Unis la culture est déjà bien implantée, elle va arriver en France au début des années 1990. Entre 1988 et 1993, il va sortir plusieurs albums de rap qui vont commencer à s'installer doucement dans de petites radios. C'est en 1993 que va sortir l'album « J'appuie sur la gachette » de NTM. La recette est simple, comme outre-Atlantique, on prend des inspirations Funk, avec beaucoup de basses, et un son assez lourd. Kool Shen avec l'aide de The Beatnuts va produire la chanson « Qui Paiera Les Dégats » qui suit.



La même année, IAM va sortir son album « Ombre est lumière », avec la même recette. On sent la touche funk qui colle parfaitement avec l'accent du sud de ces Mcs. On se souvient surtout de cet album pour la bombe « Je Danse Le Mia » qui restera éternelle, mais je partagerai avec vous la chanson « L'Aimant » que je trouve plus mature, aboutie. A partir de cette année, le paysage musical français va être définitivement transformé grâce à ces deux groupes.


L'année suivante, MC Solaar va sortir son deuxième album. Le carton qu'a connu « Caroline » en 1991 va lui permettre de lancer une carrière solide qui n'a jamais cessé depuis. De l'album « Prose Combat », je vous laisse (re)découvrir « Séquelles », qui est une merveille littéraire, produite par Jay et M'Bari. Ceux qui disent que les rappeurs ont un vocabulaire limité, à peine recherché, n'ont probablement écouté ce jeune Claude : « Aujourd'hui je sais que j'ai été un imbécile / elle était presque ma presqu'île » ou « Seul dieu sait quelles sont ces séquelles ».


En 1996, un album va venir changer la donne, il sera plus joyeux, toujours avec une inspiration funk, mais travaillé à l'extrême, atteignant un niveau de production rarement atteint, il s'agit de « Première Consultation » de Doc Gynéco. Il a un débit de parole unique, avec des intonations particulières, qui fait tout le charme de cet album. On ne parle bien entendu pas ici de ses déviances politiques qui ont pu suivre, je vous laisse écouter « Celui Qui Vient Chez Toi (Quand Tu N'es Pas Là) » produit par Ken Kessie, qui fera de cet album un pur classique.




On parlait de Booba un peu plus haut dans cet article, c'est en 1997 qu'il sort avec Ali l'album « Le Crime Paie » sous le nom de Lunatic. Avec l'avancée dans les années, on commence à voir d'autres sources d'inspiration que le funk pour les productions, avec un peu moins de basse, un son un peu plus pur. On reviendra un peu plus tard sur l'histoire de Booba, mais personne ne peut écouter ce « Entre Dans La Danse » sans y voir de la qualité. Difficile cependant de se pointer en boite avec une 8-6 et une arme automatique en pretextant de venir danser avec les Lunatic.



C'est aussi cette année que Passi va quitter le Minister Amer et sortir son premier album solo « Les Tentations ». Si aujourd'hui à la terrasse d'un café vous parlez de Passi, je prends le pari qu'on vous parlera de « Dis L'Heure De Zouk » ou de « Face à La Mer »... Pourtant c'est bien plus que ça, depuis le début des années 1990 il fait parti du paysage du hip-hop français. Il avoue « On apprécie ma voix et mon nom prend du poids » dans la chanson « De 79 à 99 », mais je pense qu'il ne s'attendait pas à faire une telle carrière.



« J't'explique, c'que j'kiffe, c'est d'fumer des spliffs ». Vous avez forcément déjà entendu cette punchline signé NTM encore une fois. Mais ici, la production a monté d'un cran, signée Sully Sefil (Oui, vous avez bien lu, celui qui chante « J'voulais »), elle sample un morceau de Chopin. Je mets ma main à couper qu'il y a plus de fans de rap français amateurs de musique classique, que de fans de musique classique amateurs de rap français. Tout ça parce que depuis la fin des années 90, on ne compte plus le nombre de morceaux qui samplent des morceaux classiques, et ce n'est pas pour nous déplaire, voici « That's My People » (1998).



Il y a des probablement des disques extra-ordinaires qui ne sont jamais sortis parce qu'ils n'ont pas été terminés, « Prestige 1998 » a failli finir dans ce groupe. Enregistré en 1998, mais mis à disposition gratuitement il y a deux ans de ça. C'est le résultat d'un projet orchestré par Axis, que des pistes qui samplent des morceaux de musique classique. Avec les présences d'ATK ou de Diksa, entre-autres pour les paroles, la qualité est à rendez-vous. Découvrez « La Rage » ci-dessous et écoutez bien la qualité de la production (quand on entend parfois qu'un rappeur n'est pas un musicien ).



Rohff, ne me dites pas que vous n'avez jamais dit ou entendu du mal de lui ? Pourtant, il a fait des choses bien, avant de mal tourner. Vous reconnaitrez directement la voix grave de Kery James sur ce morceau d'Ideal J avec Rohff et Demon One. J'ai un coup de cœur particulier pour cette chanson, puisque la production est signée Dj Mehdi. Il a toujours été reconnu pour son travail chez Ed Banger, et adoré, mais déjà le hip-hop des années 1990 ont été marquées par sa patte. Pionnier du milieu du rap, Kery James fait parti des anciens qui font toujours des disques de qualité en 2010, et pour ça on peut lui tirer notre chapeau.


La fin des années 1990 marquent l'apparition d'une nouvelle forme de rap, plus tranquille, moins engagée, avec une ambiance vraiment relaxante. Le morceau qui suit est l'exemple parfait du type de morceaux de ces années là. La Case Negre fait ainsi un morceau où un par un, chaque membre par de lui tranquillement, avec un flow relaxant, presque trop calme. Le tout est appuyé par ce son de cuivre qui se balance nonchalamment tout au long du morceau en arrière-plan. « Quand je rap » est finalement un morceau qui ne fait de mal à personne, qui s'écouterait n'importe quand, et la recette fonctionne. Les maisons de disque vont vite le comprendre et on verra naître une partie du rap que j'affectionne moins, avec un son hip-hop futuriste, qui va cartonner sur les radios.



Mais ces ambiances de l'époque ont tout de même fait de très bon morceaux. Réputé comme groupe de rap hardcore conscient par les puristes, La Rumeur va d'ailleurs utiliser une production, signée Soul G & Cool M, typique cette époque tranquille (peut-être grâce à l'année de bonheur qu'a amené la victoire en coupe du monde). Mais l'ambiance de fond contraste avec les revendications des textes de ce « Champs de Canne à Paname », avec des lignes classiques comme « Il paraît qu'on bouffe aussi du blanc ? Du blanc de poulet ? Du colombo de poulet ? En fait, j'adore le poulet, j'le veux bien cuit, roti, farci d'son képi, même si j'sais qu'un pays sans flicaille c'est l'utopie ».


On en parlait un peu plus tôt, la fin des années 1990 va connaître un grand nombre de singles imparables martelés sur les radios toute la journée, entre Stomy Bugsy, Disiz La Peste, ou Pit Baccardi, tous ont eu un succès extra-ordinaire. Le morceau qui suit est un exemple de ces tubes, la production signée Pone (pas le même que Dj Pone), un beatmaker qui a souvent été comparé à Dj Mehdi, ce tube de 113 vous est forcément arrivé un jour aux oreilles. Le groupe a une assez mauvaise réputation en ce moment à cause d'albums trop commerciaux, même individuellement, pour Mokobé ou AP. Mais finalement, ce morceau prouve qu'il y avait au départ de bonnes idées et de bonnes intention


A bientôt pour la suite, les années 2000.

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